Anouck, Sénégal

Amy

Anouk nous présente ici Amy, une jeune enfant du quartier qui travaille beaucoup pour sa famille d’adoption, et qui garde, comme tout enfant, cette soif d’être regardée et aimée.

Je voulais aussi, dans cette lettre, vous parler d’Amy, une enfant que j’aime beaucoup et qu’il nous a pourtant fallu apprivoiser de longs mois. C’est une petite fille d’environ onze ans qui est arrivée à Dakar en octobre pour aider une famille pour les travaux du quotidien. Ici, il y a beaucoup d’enfants qui sont « donnés » par leurs parents, parfois très jeunes, pour être élevés dans une autre famille. Or, parfois, ce sont des enfants qui sont un peu comme les petits domestiques de la maison : ils font la vaisselle, la cuisine, le ménage, alors que la maman est partie au travail et que les enfants biologiques sont à l’école ou partis jouer. Amy est l’une d’entre eux, elle ne va pas à l’école et travaille tous les jours avec la maman pour préparer et vendre des jus.

Quand elle est arrivée à Dakar, elle ne parlait que le sérère (sa langue ethnique) et venait souvent s’approcher de notre porte, sans oser entrer ou nous parler (alors que nous connaissons bien les enfants de la famille avec laquelle elle vit). Elle a appris le wolof très rapidement et, à force de jeter nos poubelles ensemble le matin ou de se croiser dans la rue, une complicité est née. Ce qui m’a pourtant attristée c’est que, suite à notre déménagement, on a complètement arrêté de la voir, car elle n’a pas le temps comme les autres enfants de jouer dans la rue.

Alors, un jour, avec Martha, nous avons décidé de partir la visiter chez elle, même si nous ne connaissions pas bien la maman. Quand elle a ouvert la porte et qu’elle a nous vues, elle a littéralement sursauté de joie et un grand sourire a traversé son visage. Nous nous sommes installées dans le salon où nous avons trouvé la maman devant la télé qui nous a accueillies à son tour très gentiment. Nous arrivions tout juste pour la mise en bouteille des jus (qu’elles vendent tous les matins au marché) et nous avons pu les aider un peu à travailler. Nous discutions simplement en wolof avec la maman et Amy rigolait un peu de nos fautes et de nos maladresses. Une fois le travail fini, nous avons sorti le Dobble (petit jeu prisé par les enfants) et nous avons commencé à jouer à quatre. Amy était ravie et c’est la première fois que j’entendais rire si fort cette petite fille. Elle trichait un peu et taquinait la maman qui semblait très heureuse de se prendre au jeu (c’est rare ici que les parents jouent avec leurs enfants).

Un petit moment gratuit qui nous a permis, avec Martha, de contempler leur complicité et tout l’attachement qu’elles ont l’une pour l’autre : d’un côté, cette maman qui élève seule ses trois enfants en travaillant beaucoup, de l’autre, cette petite fille qui porte déjà tant de responsabilités loin de sa famille. En sortant de cette visite, j’avais le cœur rempli de joie. Nous étions juste venues pour offrir un peu de temps à cette petite fille et, en échange, nous avions eu le cadeau de pouvoir être témoin de la joie de ces deux filles/femmes. Quand je donne mon temps ici dans les visites, il est fréquent de ne pas voir les fruits de mes efforts alors, sortir d’une visite comme celle-ci, ça n’a pas de prix !