Marianne, Thaïlande

Atmosphère et gratitude

« L’harmonie de ce qui est caché est plus fascinante que ce qui est visible » (Héraclite).

Je fais un petit bon dans le temps pour revenir en Thaïlande et vous parler d’un de nos petits voisins, Bon. Bon est le premier de trois enfants. Sa famille souffre beaucoup car le papa fait des séjours récurrents en prison et la maman a une vie un peu compliquée. Bon est le seul garçon, sa première sœur a été placée dans une autre famille, et la toute dernière vit chez eux. Les venues de Bon chez nous signifiaient que vous deviez lui donner TOUTE votre attention dans la seconde sous peine d’une catastrophe (battre violemment un autre enfant, repeindre votre mur, voler de l’argent dans un sac oublié là, insulter un adulte qui passe, etc.) Le plus dur étant que si vous lui montriez une once de tendresse, il se chargeait de vous montrer qu’il ne le méritait pas, ce qui, je dois l’avouer, mettait mes nerfs à rude épreuve. Nous avons essayé beaucoup de choses, de temps passé avec lui, de réprimandes, de parler à sa mère, etc.

Une fois, alors qu’il passait devant le Point-Cœur un dimanche matin, nous étions à table au petit déjeuner et discutions. De manière très naturelle, nous l’avons invité à nous rejoindre. Lui n’en revenait pas, était rentré et s’était parfaitement conduit. Il se faisait tout petit et écoutait nos conversations bien animées (vivre toujours ensemble ne signifie pas que nous n’avons rien à nous dire, au contraire !) et paisibles. Il est revenu ainsi plusieurs fois, il semblait être une autre personne dans ces moments, comme apaisé par la communion, l’atmosphère qui était là. Plus tard, il fut placé par les services sociaux et quitta le quartier.

Des années après, je l’ai croisé un jour dans un songtheow (le moyen de transport du quartier). Il était déjà adolescent et avec un de ses copains. A ma grande surprise, il m’a salué très poliment en faisant le waj et en m’appelant par mon prénom thaï. Son ami lui a demandé qui j’étais. Sa réponse empreinte d’émotion fut : « Elle me connait et je la connais. J’allais souvent prendre le petit déjeuner chez elles, parce qu’elles m’ont invité ». Il y avait là tant de profondeur …