Hermine, Roumanie

Ils habitent mon cœur

Hermine, de retour en France, fait mémoire de ces visages qui l’ont aimée, à qui elle a pu offrir son amitié pendant sa mission et qu’elle porte désormais dans ses pensées et ses prières.

Ce gamin (Petrişor) un peu rebelle et si touchant habite mes pensées, mes prières, comme tous ceux qui m’ont accueillie et aimée pendant ces deux années ; tous ceux qui m’ont offert leur amitié sans doutes ni réserves – un peu comme on dirait : « Tiens, assieds-toi là ! » en désignant le tabouret le plus proche - tous ceux qui ont peuplé les jours de leur beauté, de leur fragilité, de leur immense dignité ; tous ceux qui sont restés et qui continuent leur chemin, là-bas, comme un fleuve poursuit naturellement son cours ; tous ceux qu’il faut quitter à contrecœur parce qu’aimer c’est aussi reconnaître qu’ils ne m’appartiennent pas et que je ne leur suis en rien indispensable ; tous ceux dont j’aurais aimé vous parler encore longtemps. Mon cœur saigne, la blessure est profonde. Alors je présente chacun de ces visages à Celui qui pourra leur offrir une amitié indéfectible et proche.

Il est temps de repousser la porte que l’on avait trouvée entrebâillée. Il est temps de s’éclipser, à petits pas, sans faire de bruit. Il est temps de remettre à d’autres tout ce que nos mains ont reçu. Il est temps de quitter le foyer tant aimé qui demeurera gravé dans ma mémoire – tableau d’images nettes, de sensations précises. Il est temps de dire au revoir, sans une parole, les mains grandes ouvertes, les yeux baignés de larmes certes mais le regard plein d’indicibles remerciements. Oui, il est temps de rendre grâce. Un seul de ces visages aurait suffi pour que cette mission en vaille la peine. Seulement pour Petrişor, il était indispensable de tout abandonner pour Le suivre. Pour chacun d’entre eux. Pour un seul de ces petits. Le chemin continue : chemin de gratitude où le cœur médite tout ce qu’il a reçu, ce qu’il n’a pas compris – mais comprend-on jamais ! Ce qui a été semé germera peut-être un jour. Il faut de la patience car ce qui grandit au creux de la terre gelée ne fait pas de bruit avant le printemps.