Marie, Italie

Un grand émerveillé

Marie se laisse surprendre par Francesco, cet enfant qui s’émerveille de tout et aime sans condition.

Je vous parlais dans ma dernière lettre de sa maman Rachele, qui voulait avorter son enfant mais avait miraculeusement décidé de le conserver. L’amitié avec elle et ses enfants a beaucoup grandit. Particulièrement avec Francesco, le petit dernier. Un bout de chou de cinq ans, perdu dans une situation familiale tordue, qui a conquis notre communauté avec ses grands yeux expressifs, sa curiosité inépuisable et ses éclats de rire contagieux.

Première rencontre chez Tania, il est muet, le regard vide, il ne sourit pas, impossible de s’approcher de lui pour lui parler ou pour jouer. Le début typique d’une histoire d’amour. Deuxième rencontre, nous lui apportons des Kapla, il s’approche timidement, je commence à les empiler devant lui. D’un revers de la main, il renverse la tour, badabooom, et éclate soudain de rire au bruit tonitruant que cela fait. Il a ri comme jamais je n’ai entendu rire un enfant. Dès lors, je fus stupéfaite par chacune de mes rencontres avec ce petit bonhomme. Un jour, je vais le chercher pour l’emmener jouer au Point-Cœur. Sur le chemin, je suis émerveillée devant ce piccolino saisi d’étonnement devant toute la réalité qui l’entoure : un pigeon qui s’envole, une flaque d’eau, une grosse voiture qui passe, les ombres des passants, le rose fushia des bougainvillées en fleurs… « Oooh » fait-il, le visage grand ouvert, le doigt pointé vers ce qu’il a découvert. Il me fait courir à toute allure dans la rue en criant « Mahia, Mahia ! ».

Quelle belle manière de vivre : tout devient prétexte à s’émerveiller, à jouer. Tout devient un évènement extraordinaire. Au cours de l’après-midi, nous nous retrouvons à siroter un chocolat chaud sur le balcon assis l’un près de l’autre. Avec ses mimiques d’enfant, il me raconte avoir vu une ambulance arriver chez lui et le compagnon de sa maman en train de vomir. Il me dit aussi, plein d’innocence, que ce dernier le menace de le jeter par-dessus le balcon et le frappe. A un moment donné, il explose de rire sans raison, et ne s’arrête pas. Un rire éclatant, contagieux. Petit à petit, je m’y mets moi aussi. Un rire libérateur, purificateur, qui fait du bien et guérit la tristesse, la distraction, l’ennui. Un fou rire vivifiant, hors du temps. Yeux dans les yeux avec ce petit Francesco. Il rit si fort que les larmes lui sortent des yeux ; à moi aussi. A ce moment précis, je fais l’expérience de me sentir profondément aimée et découvre que cet amour ne dépend de rien. Ni de mon caractère, ni de mon apparence, ni de mes actions… Un amour donné, pur, entier. C’était si bon.