Marion, Pérou

Visitation

Marion nous raconte cet après-midi où Lidia est passée au Point-Cœur. Ce fut bien plus qu’une visite…

Cet après-midi-là, je suis restée au Point-Cœur attendant la visite d’une amie qui m’est très chère, Lidia la maman de Yaneli. En vérité, je ne suis pas sûre qu’elle vienne. De nombreuses fois nous l’avons invitée, pour pouvoir passer un moment avec elle en dehors de sa maison où elle reste enfermée chaque jour ; mais sans grand succès, malgré notre volonté commune. Lors du chapelet, nous avons prié pour elle, confiant à Marie cette amitié qui nous a laissé tant de fois démunis et impuissants.

Lidia souffre de dépression et a une santé fragile. La souffrance est tant visible dans sa famille, vivant dans une extrême pauvreté à la fois matérielle et humaine. En allant la visiter régulièrement, il est impossible de ne pas désirer faire quelque chose. Cette année, nous avons essayé de l’aider de bien des manières pour qu’elle et sa famille puissent avoir des conditions de vie plus dignes. L’Association Sembrando Esperanza qui a accueilli Yaneli avait même trouvé des fonds pour reconstruire complètement leur maison. Mais malgré tous les efforts possibles, il a fallu accepter que Lidia n’était pas prête à quitter sa maison. Et finalement est-ce réellement ce que Dieu voulait de nous ? Ne serait-ce pas simplement lui offrir notre amitié, en l’écoutant, en se préoccupant pour elle, en continuant sans se décourager à frapper à sa porte bien que très souvent, elle ne veuille pas nous recevoir. Mais comment lui en vouloir ? Je reconnais que pendant longtemps, il m’a coûté d’accepter sa fragilité et de ne pas me révolter face à certaines situations. Comment pouvait-elle laisser ses enfants vivre ainsi sans rien faire ? Mais c’était sans compter sur la grâce du Seigneur qui sait transformer notre regard.

En août dernier lors d’une visite, j’ai eu la grâce de pouvoir prier avec elle pour la première fois. Et ce fut comme si tous les murs étaient tombés en un instant. Nous n’avions jamais échangé tant en vérité. Et ce jour-là, Dieu m’a ouvert les yeux et m’a dévoilé le cœur de mère de mon amie. Un cœur qui souffrait tant pour ses enfants, impuissant, ne sachant que faire pour les aider, ne sachant pas leur montrer combien elle les aimait. Ce jour-là, elle a présenté à Dieu cette prière : « Père, nous te demandons un cœur capable d’aimer. Tu sais combien j’en ai besoin ». Et depuis, j’ai compris. Le Seigneur m’a permis de pouvoir voir mon amie à travers son regard. Lidia avait tant souffert toute sa vie, et peut-être n’avait-elle jamais été vraiment aimée. Comment aimer si l’on n’a jamais reçu d’amour ? Et c’est cela finalement que Dieu attendait de moi : lui offrir une amitié simple et gratuite, sans chercher à faire quelque chose pour elle ; être à ses côtés lorsqu’elle m’accueille ; lui dire qu’en tant que mère, elle sait ce qui est bon pour ses enfants ; et puis simplement l’aimer, telle qu’elle est.

Ce jour-là, je l’attendais donc, mais avec peut-être trop peu de foi ! Lorsqu’elle frappa à la porte, je ne pus cacher ma surprise ! Une joie immense m’a envahie, j’en avais presque les larmes aux yeux. Dans l’évangile, j’imagine qu’Elisabeth a dû ressentir une joie telle lors qu’elle a reçu la visite de Marie. « D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » (Luc 1,43). Un évènement qui a été tant attendu, tant espéré, mais lorsqu’il survient, il dépasse toute espérance. Comment puis-je recevoir une si grande grâce ? A ce moment-là, ce n’était pas seulement Lidia qui venait me visiter, car par ses propres forces, elle n’y serait pas parvenue. A peine entrée, elle m’a dit : « J’ai demandé à Dieu qu’Il me donne la force de sortir, et de venir jusque chez vous ». La présence de Lidia ce jour-là m’a montré que Dieu ne cesse jamais d’accomplir sa promesse. Il est venu habiter parmi nous et Il continue de venir frapper à notre porte chaque jour. Par amour pour nos amis, et pour chacun de nous, Il rend possible ce que notre manque de foi ne nous laisse même plus imaginer. Pour d’autres, cette visite aurait pu paraître insignifiante, mais à mes yeux, ce fut un cadeau qui n’avait pas de prix !

Cet après-midi-là, nous nous sommes assises pour boire un thé, et Lidia s’est mise à confectionner un père Noël avec application, avec du papier de couleur et du coton. Cela avait été le motif initial de la visite ! Avant son départ, j’ai attrapé la guitare et nous avons chanté ensemble quelques chants de louange. Elle est repartie ensuite, aussi simplement qu’elle était venue, laissant derrière elle la joie d’une Présence qui demeure.